Mon voisin le Hipster, jamais à court de bonnes idées, a une nouvelle fois débarqué chez moi, dangereusement enthousiaste et porteur d’une suggestion improbable dont il a le secret : et si nous profitions des vacances pour fuir la chaleur étouffante qui règne sur la ville. Et si nous empaquetions le strict minimum, le chargions sur notre dos et sortions momentanément de nos rôles de citadins pur jus pour retourner vers l’essentiel, notre Mère Nature. Et si nous allions faire une randonnée dans les Appalaches ?
La première chose qui m’est venue à l’esprit suite à cette proposition est : » Mais comment de telles idées se frayent-elles un chemin dans le cerveau de ce jeune homme ? « . Et la seconde, j’avoue, a été : » Est-ce que prétexter de fausses douleurs chroniques suite à une fausse opération des ligaments du genoux gauche est suffisant pour me tirer de ce mauvais pas ? « .
Je suis certaine que faire une randonnée sur le sentier des Appalaches (un des plus longs sentiers de grandes randonnées du monde) doit être une expérience formidable, mais, comment dire ? Je n’ai pas envie d’y aller ! Tout d’abord, je n’ai pas porté de sac à dos depuis environ 15 ans. Ensuite, je n’ai pas de chaussures de marche et je n’ai pas l’intention de m’en procurer, je trouve ça trop laid. Enfin, la randonnée la plus longue que j’ai faite dernièrement a été de traverser Central Park d’Est en Ouest pour attraper un métro devant le musée d’Histoire Naturelle. Et je me suis arrêtée dans un Starbucks… Je ne pense pas être prête pour les Appalaches. Alors, bredouillant de vagues excuses, j’ai fait la seule chose qui me paraissait possible sur le moment : je me suis sauvée.
Les anciens docks de New York
Abandonnant mon voisin, sa liste de matériel de camping et sa lecture d’un site Internet intitulé » Comment survivre à une attaque de grizzli » (les Appalaches, c’est aussi ça), j’ai attrapé un bouquin, pris mes jambes à mon cou et suis partie me cacher dans un coin reculé de New York ou, avec un peu de chance, les téléphones ne passeraient pas.
Et voilà comment, un bateau plus tard, je me suis retrouvée à Red Hook, en train de lire Jane Eyre, allongée sur une petite pelouse tout au bout de ce qui était autrefois les docks de New York.
Beaucoup de choses me plaisent dans cette simple phrase : premièrement, prendre le bateau. Red Hook est un quartier de Brooklyn un peu à l’écart. Pas de ligne de métro, des bus certes mais je ne sais pas où sont les arrêts. Résultat, pour s’y rendre depuis Manhattan, la solution la plus simple reste le water taxi. Prendre un taxi qui va sur l’eau, ça fait vacances. Enfin, je trouve…
Deuxièmement, au bout de cinq minutes de traversée à peine, vous débarquez dans un coin charmant, un peu désuet qui, sur quelques rues fait plus penser à un village de pêcheurs qu’à un quartier de New York. Peu de circulation, pas beaucoup de monde, un air marin qui s’engouffre le long de rues pas trop bien pavées… L’époque où l’activité des docks battait son plein étant révolue depuis longtemps, des entrepôts, plus ou moins abandonnés, jalonnent les rues. Certains sont timidement reconvertis en restaurants, supermarchés bio ou caves à vin branchées, mais la plupart restent fermés.
Des vacances idéales
Et le meilleur dans cette escapade : le mini parc tout au bout de la jetée. Quelques personnes à peine, pas de bruit, le clapotis de l’eau, le scintillement du soleil et la skyline de l’autre côté… Et l’autre qui me parle d’aller crapahuter dans la montagne avec 20 kilos sur le dos et des chaussures très laides !
En ce qui me concerne, une journée à Red Hook se rapproche de ma définition de » vacances idéales « . Ma nouvelle meilleure amie (Jane Eyre) et moi avons d’ailleurs prévue d’achever l’après-midi en nous offrant une part de tarte de citron dans un petit café juste à côté. Et peut-être même qu’après, nous nous baladerons entre les entrepôts fermés et les maisons de pêcheurs à la recherche d’un hypothétique arrêt de bus. À moins que nous ne décidions de reprendre le bateau en ricanant à l’écoute des messages survoltés laissés par le Hipster. On verra… Jane Eyre et moi, on fait ce qu’on veut : c’est les vacances !