Un pan de l’Histoire au 520 Madison Avenue, ça laisse rêveur non ? Eprise de nostalgie, je n’ai eu qu’une envie : enfourcher ma petite trottinette et découvrir cette portion du mur de Berlin installée à New York.
Le jeu de piste commence mal : une fois sur place, malgré les bons renseignements en ma possession, rien, nada. Pas de mur au 520 Madison Avenue. Stupeur et tremblements, comme dirait Amélie Nothomb ! Je consulte mes notes, car un morceau de douze tonnes et demi ne peut tout de même pas disparaître comme ça. C’est alors que je me rappelle qu’à New York une adresse peut aussi signifier la totalité du bloc d’immeubles. Me voilà partie dans la 53ème rue et, eurêka, à mi-chemin, une lumière attire mon regard vers le fond d’une pergola : voilà ce fameux bout du rideau de fer qui sert désormais de décor à un café. Je m’approche. Les clients et les employés des environs discutent et fument comme si de rien n’était : pas un regard pour ce mur plein d’Histoire, ils ne le remarquent plus. J’oserais même dire que la plupart ignorent sans doute ce qu’ils ont devant eux. Je suis là devant un pan d’Histoire et l’émotion m’étreint.
Le symbole de la guerre froide
De la Belgique à l’Allemagne ce n’est pas loin mais il a fallut que je traverse l’Atlantique pour pouvoir toucher un morceau du rideau de fer et découvrir la petite histoire du tronçon new-yorkais. Dans les années 1980, ce mur avait été un terrain durement gagné par des artistes renégats de Berlin-Ouest qui s’aventuraient dans le no-man’s land pour couvrir le béton de leurs graffitis, avant que les gardes armés ne les repèrent.
Un jeune peintre français, Thierry Noir, aidé par Christophe Bouchet et Kiddy Citny, décida de transformer le symbole de la guerre froide… L’idée n’était pas d’embellir le mur, "parce que 80 personnes sont décédées en tentant de le franchir", mais de le tourner en dérision. Tous les jours, Thierry Noir et ses acolytes enfreignirent la loi pour le recouvrir de peintures issues de bandes dessinées. Et les autorités de l’Ouest favorisèrent le projet. En l’espace de 5 ans, les trois artistes ont créé 4 kilomètres de dessins vifs. La plus longue peinture sur béton au monde. Après la chute du mur en 1989, 5 tronçons furent achetés aux enchères par le promoteur immobilier Tishmann Speyer, propriétaire notamment du Rockefeller Center, du Chrysler Building et du siège du New York Times. Et voilà comment ce morceau est finalement arrivé là, au fond d’une pergola new-yorkaise.