Assise sur les marches, entre Patience et Courage, je me livre à mon occupation favorite : regarder passer les gens dans la rue sur la 5th Avenue. Patience et Courage ne sont pas des amies, victimes de parents originaux, mais bien les deux majestueux lions sculptés, montant la garde à l’entrée de la New York Public Library.
Prise d’une impulsion, je gravis les marches, bien décidée à pénétrer pour la première fois dans ce qui m’a toujours semblé être un temple un brin trop solennel. La » New York Public Library » est tout simplement la plus grande bibliothèque publique du monde ! L’appellation regroupe en fait 89 bibliothèques, réparties dans toute la ville (50 millions d’ouvrages, mis à la disposition du public, gratuitement !).
Le Stephen A. Schwarzman Building, fleuron Art Déco du réseau, est dédié à la recherche. Ici, pas de livres à emprunter, mais tous les savoirs du monde à consulter.
De William Shakespeare à Jules Verne
Le hall d’entrée plante d’emblée le décor : une cathédrale de marbre blanc entourée d’escaliers menant dans les différentes salles. En réalité, les personnes qui sont là pour travailler semblent préférer les ascenseurs. Les escaliers ont l’air réservés aux flâneurs admiratifs… ou aux malheureux qui se perdent partout, en un temps record !
Je suis entrée depuis à peine deux minutes et, déjà, je ne sais plus où je suis. Le pire, c’est que j’ai un plan !… Comment se fait-il alors que j’erre au hasard, essayant de repérer la section Art et Architecture, les Sciences Humaines et les salles de lecture ?… Quelque part, dans 5 minutes, commence une classe sur Shakespeare. Le programme précise qu’elle est ouverte à tous les « Books lovers ». Rien que pour cet énoncé, j’avais envie d’y assister. Inutile de rêver : je n’ai aucune chance de trouver la salle à temps ! Sorry, William… A la place, je déambule le nez en l’air dans cette bibliothèque-musée, passant sous des voûtes de marbre, admirant les plafonds ornées de boiseries et détaillant les plaques rendant hommage aux généreux donateurs.
Totalement par hasard (j’ai monté et descendu tellement d’escaliers que je ne sais même plus à quel étage je suis), je tombe sur la salle des cartes. Une invitation au voyage ne se refuse pas ! En entrant, je suis projetée dans un univers digne de Jules Verne. Sur l’îlot central, un gentleman d’un certain âge est respectueusement penché sur une carte ancienne. Avec des gestes lents, il s’applique à reproduire à la plume une partie de la carte dans un carnet à spirales. J’ai la vague impression de croiser le Capitaine Nemo, décidant de la route du Nautilus…
Une gentille dame-fantôme
Le dernier étage me ramène à ma première grosse frayeur cinématographique : la scène d’ouverture de Ghostbusters, quand la gentille dame-fantôme, plongée dans un livre se transforme soudain en squelette grimaçant (à ma décharge, j’étais jeune et impressionnable…). Ça se passait ici : dans le Rose Main Reading Room.
Cette salle de lecture, vaste comme un hall de gare, est dédiée à la consultation des ouvrages. Tout y est démesuré : depuis les immenses tables en bois avec leurs pieds gigantesques, en passant par les centaines de lampes de bronze, jusqu’au plafond (à vue de nez, quinze mètres de hauteur), orné d’un ciel rosé. Même les guichets d’informations sont encadrés de boiseries titanesques. Derrière les comptoirs, les employés ont l’air de Hobbits…
Je serais assez tentée de monter sur la mezzanine pour avoir une vue d’ensemble, mais ça n’a pas vraiment l’air autorisé. Alors je m’assoie à une table. Je n’ai pas d’archives à consulter, pas de recherches particulières à faire… En face de moi, un jeune homme rigole tout seul en tapant rapidement sur le clavier de son ordinateur. Mais dis donc !… Travaille un peu, toi, au lieu de chatter sur le net !…